Les agriculteurs se retrouvent de plus en plus souvent sur le banc des accusés. Sous le feu des critiques, accusés de tous les maux, ils sont la cible d’un phénomène grandissant : l’agri bashing. Si ce terme, parfois controversé, désigne un dénigrement systématique et injustifié, il est indéniable que le traitement médiatique de l’agriculture soulève des questions quant à la responsabilité des médias dans la diffusion de ces critiques, et parfois même, dans leur amplification.
Un traitement médiatique à charge ?
Force est de constater que l’agriculture est souvent présentée sous un jour négatif dans les médias. Scandales sanitaires, enquêtes chocs sur les conditions d’élevage, reportages alarmistes sur l’impact environnemental… le sensationnalisme prend souvent le pas sur la nuance et la complexité.
“Le problème, c’est que les médias ont tendance à se focaliser sur les aspects négatifs, les cas extrêmes, créant ainsi une image déformée de la réalité”, explique Jean-Paul Hébrard, sociologue spécialisé dans le monde rural, dans son ouvrage “Le malaise paysan” (source : Jean-Paul Hébrard, “Le malaise paysan”, Éditions Fayard, 2020).
Ce biais médiatique s’explique par plusieurs facteurs :
- la recherche du sensationnel : les mauvaises nouvelles font vendre, et l’agriculture, avec ses enjeux sensibles et ses images fortes, est un sujet propice aux reportages chocs et clivants,
- la simplification des débats : les problématiques agricoles sont complexes et multifactorielles. Les médias, soumis à des contraintes de temps et de format, ont tendance à les simplifier à l’extrême, manquant ainsi de nuances et de perspectives,
- l’influence des lobbies : certains groupes de pression, qu’ils soient anti-spécistes, écologistes ou défenseurs des consommateurs, exercent une influence sur le traitement médiatique de l’agriculture, poussant à une couverture plus critique,
- la course au “scoop” : être le premier média à se saisir d’une actualité chaude, propice à l’audience et à la polémique.
Les conséquences de l’agri bashing
Ce traitement médiatique à charge a des conséquences néfastes sur le monde agricole :
- démoralisation des agriculteurs : se sentir constamment pointés du doigt, accusés de tous les maux, contribue à la détresse psychologique des agriculteurs, déjà confrontés à des difficultés économiques et sociales,
- stigmatisation d’une profession : l’agri bashing renforce les stéréotypes négatifs sur les agriculteurs, les présentant comme des pollueurs, des tortionnaires d’animaux, des profiteurs…
- frein à l’innovation : le climat de défiance engendré par l’agri bashing peut décourager les agriculteurs d’investir dans de nouvelles pratiques, plus respectueuses de l’environnement et du bien-être animal.*
Vers une information plus responsable
Il est urgent de promouvoir un traitement médiatique plus équilibré et responsable de l’agriculture. Cela passe par :
- donner la parole aux agriculteurs : permettre aux agriculteurs de s’exprimer, de partager leur vision du métier, de répondre aux critiques.
- nuance et complexité : aborder les problématiques agricoles avec nuance et complexité, en évitant les simplifications excessives et les jugements hâtifs.
- journalisme d’investigation : enquêter sur les dérives de certains acteurs du secteur (industries agroalimentaires, grande distribution…) sans stigmatiser l’ensemble de la profession agricole.
- éducation aux médias : sensibiliser le public à l’importance d’une information critique et responsable, en l’incitant à décrypter les messages médiatiques et à se forger sa propre opinion.
L’agri bashing est un phénomène complexe qui ne peut être réduit à la seule responsabilité des médias. Néanmoins, ces derniers ont un rôle crucial à jouer dans la construction d’une image plus juste et plus équilibrée de l’agriculture. En privilégiant la nuance, le dialogue et l’esprit critique, ils peuvent contribuer à apaiser les tensions et à favoriser une transition vers une agriculture plus durable et plus respectueuse.
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