CHARGEMENT

Rechercher

Agrivoltaïsme : se faire du blé avec le soleil ?

Produire de l'électricité à partir de panneaux solaires installés dans un champ ou dans une pâture, rien de plus simple à première vue… pourtant, il faut faire attention aux abus et ne pas omettre la notion de primauté de l'agriculture © AdobeStock

Partager

Selon l’In­see, un tiers des res­sources des ménages agri­coles pro­vient de l’activité agri­cole. Ils ont donc du mal à joindre les deux bouts, comme l’a­vait rap­pe­lé la cam­pagne d’af­fi­chage de la Coor­di­na­tion Rurale l’an der­nier, et tirent l’es­sen­tiel de leurs reve­nus d’autres acti­vi­tés. Par­mi ces autres sources de reve­nu, le pho­to­vol­taïsme a le vent en poupe. Mais atten­tion aux abus !

Le photovoltaïsme, nouvelle source de revenus et de diversification pour les agriculteurs ?

Ima­gi­nez que la loca­tion de vos terres vous rap­porte jus­qu’à dix fois ce que vous rap­portent vos fer­mages. C’est la pro­messe de cer­tains fabri­cants pour l’ins­tal­la­tion de pan­neaux solaires. En effet, 15 % de l’élec­tri­ci­té pho­to­vol­taïque sont désor­mais pro­duits sur des terres agricoles.
Ces « fermes solaires » peuvent prendre la forme de cen­trales dans les pâtu­rages, avec trou­peaux sous les pan­neaux, de toits de recou­vrant les serres, ou de pan­neaux mobiles au-des­sus des vignes ou des ver­gers (avec, s’il vous plaît, orien­ta­tion de ces pan­neaux en sui­vant le soleil).
Dans la Pro­gram­ma­tion plu­ri­an­nuelle de l’éner­gie (PPE), outil de pilo­tage de la poli­tique éner­gé­tique, créée par la loi rela­tive à la tran­si­tion éner­gé­tique pour la crois­sance verte, la France pré­voit de dou­bler le solaire d’i­ci fin 2023, en pas­sant à 20,1 giga­watts (GW) pro­duits contre 10,4 à fin 2020 et d’at­teindre, en 2028, 35,1 à 44 GW. Alors, for­cé­ment, de tels débou­chés sont très (trop ?) attirants.

L’a­gri­vol­taïsme en quelques chiffres

18 % : Taux de ménages agri­coles sous le seuil de pauvreté
15 % : Taux du parc pho­to­vol­taïque sur des terres agricoles
x10 : Loyer tou­ché grâce à l’a­gri­vol­taïsme par rap­port au fermage
x2 : La capa­ci­té de la France en éner­gie solaire d’i­ci fin 2023 (20,1 GW vs 10,4 en 2020)
35,1 à 44 GW : La pro­duc­tion d’éner­gie solaire en France à hori­zon 2028
1/3 des res­sources des ménages agri­coles pro­vient de l’ac­ti­vi­té agricole
1/5 des reve­nus est issu du patri­moine (fer­mages)

Foncier agricole contre panneaux solaires : attention aux abus !

Mais entre les débou­chés et les abus, il n’y a qu’un pas et cer­tains sont ten­tés de faire du pho­to­vol­taïque pour lui-même et non plus de l’u­ti­li­ser au ser­vice de l’agriculture.
Sur les serres par exemple, l’ombre géné­rée par les pan­neaux solaires peut empê­cher la lumière de pas­ser, et donc la crois­sance des cultures. Où réside alors la dimen­sion agri­cole ? Alors que la pres­sion sur le fon­cier n’a jamais été aus­si impor­tante (282 000 hec­tares agri­coles per­dus entre 2010 et 2018), du fait de l’ex­pan­sion urbaine notam­ment, il ne faut pas que le pho­to­vol­taïque ajoute encore au risque de perte du fon­cier. C’est pour­quoi, il est com­plè­te­ment impen­sable qu’il puisse être envi­sa­gé comme une pro­duc­tion de rem­pla­ce­ment par cer­tains agriculteurs !

La règlementation pour limiter les dérives dans l’agrivoltaïsme ?

Pour la Com­mis­sion de régu­la­tion de l’éner­gie aus­si, le pho­to­vol­taïque doit abso­lu­ment répondre à un besoin agri­cole et demeu­rer secon­daire à une pro­duc­tion agri­cole principale.
« Les parcs pho­to­vol­taïques n’ont pas voca­tion à occu­per des terres arables qui doivent, du point de vue du déve­lop­pe­ment durable, être réser­vées à la pro­duc­tion de nour­ri­ture dans une pers­pec­tive de relo­ca­li­sa­tion de l’agriculture et de réduc­tion de l’empreinte éco­lo­gique des sys­tèmes ali­men­taires », selon le site photovoltaïque.info
L’Af­nor (Asso­cia­tion fran­çaise de nor­ma­li­sa­tion) s’est pen­chée sur la ques­tion et a publié en début d’an­née un label « Pro­jet agri­vol­taïsme » pour « qua­li­fier un pro­jet agri­vol­taïque qui favo­rise la pro­duc­tion agri­cole et amé­liore dura­ble­ment la per­for­mance de la par­celle et de l’exploitation ». Elle demande un taux de cou­ver­ture de la sur­face agri­vol­taïque infé­rieur à 50 % de la sur­face culti­vée, et que l’oc­cu­pa­tion du sol induite par l’installation d’une struc­ture agri­vol­taïque repré­sente 10 % de la sur­face sous struc­ture agri­vol­taïque. Mais atten­tion, les cer­ti­fi­ca­tions de l’Af­nor ne sont pas gratuites.
Dans le même temps, signe que le sujet occupe les esprits, Julien Denor­man­die l’a lui aus­si rap­pe­lé, en début d’an­née : « La pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té doit rendre un ser­vice à la per­for­mance agri­cole et ne pas s’y substituer. »

Les Chambres d’agriculture, la FNSEA et EDF Renou­ve­lables, qui déve­loppe et pro­duit de l’énergie solaire et éolienne, ont signé, mar­di 19 jan­vier, une charte de bonnes pra­tiques dont l’ob­jec­tif est de déve­lop­per et de mieux enca­drer le déve­lop­pe­ment des pro­jets pho­to­vol­taïques au sol impli­quant des terres agricoles.

Tous les acteurs semblent donc s’ac­cor­der pour évi­ter ces dérives inad­mis­sibles. Sou­hai­tons que ce soit avec effet !

En éle­vage aus­si, accom­pa­gner le photovoltaïsme
Le sujet du pho­to­vol­taïsme inté­resse éga­le­ment la filière éle­vage, puisque les pâtures peuvent aisé­ment accueillir des pan­neaux solaires. L’Ins­ti­tut de l’é­le­vage s’est sai­si de la ques­tion et a publié un guide pour accom­pa­gner les éle­veurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse mail ne sera pas publiée. Les champs requis sont notés *