Dans les discussions souvent passionnées, voire irrationnelles, sur l’environnement, l’agriculture française s’est transformée en bouc émissaire pour certains activistes écologistes extrêmes. Ces « ayatollahs verts », munis de slogans simplistes et d’idéaux déconnectés, présentent l’agriculture biologique comme la panacée et critiquent sans réserve nos agriculteurs pour avoir mis la planète en péril au profit du gain et de l’utilisation des produits chimiques.
Cependant, tandis que certains repensent le monde depuis les salons parisiens ou les studios de télévision, nos agriculteurs se lèvent à l’aube, les pieds dans la boue, pour approvisionner 68 millions de Français. Non, ils ne comptent pas sur les mantras ou les chants d’oiseaux pour cultiver leurs carottes.
L’idée d’une France métamorphosée en vaste jardin potager biologique, où la nature pourrait suffire à alimenter l’ensemble du pays sans intervention humaine, s’apparente davantage à un rêve qu’à un projet concret de société. En effet, l’agriculture biologique offre de multiples bénéfices sur les plans sanitaire et environnemental. Cependant, d’après une méta-analyse publiée dans Nature en 2022, elle présenterait également des rendements inférieurs de 19 à 25 % comparativement aux méthodes traditionnelles.
L’INRAE l’affirme : une généralisation du bio impliquerait des changements significatifs dans notre régime alimentaire… et nos finances. En d’autres termes : l’idée du « bio pour tous » est excellente – à condition de disposer d’un budget conséquent et d’être en mesure d’expliquer à une famille à faibles revenus pourquoi ses courses sont deux fois plus onéreuses.
Une autre cible de prédilection : l’élevage. Parfois désigné comme l’origine de tous les problèmes climatiques, il est présenté comme un adversaire à éliminer. Néanmoins, l’ADEME souligne que l’empreinte carbone de la viande bovine française (6,5 kg CO₂/kg) est quatre fois moins élevée que celle produite en Amérique du Sud. L’éradication de l’élevage ne menace pas seulement une partie significative de notre économie rurale, elle est également synonyme de destruction des 12,5 millions d’hectares de prairies permanentes qui servent de véritables puits de carbone et habitats pour la biodiversité.
Substituer les troupeaux par des licornes pollinisatrices ? Il serait aussi sensé de convertir la Tour Eiffel en éolienne et nos vignobles en panneaux solaires !
Contrairement aux stéréotypes, la plupart des agriculteurs français s’engagent réellement dans une transition agroécologique. Actuellement, plus de la moitié des fermes ont intégré au moins une méthode agroécologique dans leurs pratiques. L’innovation écologique est déjà en cours, avec des initiatives telles que la conservation des sols agricoles, l’agroforesterie, la diminution des intrants et les circuits courts. Le plan Écophyto a permis de réduire de 39 % l’utilisation des produits phytosanitaires les plus problématiques entre 2009 et 2019.
Et la tendance se maintient : en 2022, plus de 10 % des terres agricoles étaient en mode bio, et plus de 20 000 fermes avaient obtenu le label Haute Valeur Environnementale (HVE).
Nos agriculteurs n’ont pas attendu les discours moralisateurs pour prendre soin de la terre : lorsqu’on dépend de son propre sol, on comprend rapidement l’importance de sa préservation.
Au lieu de s’opposer constamment à l’agriculture, reconnaissons ses complémentarités avec l’écologie. Entre le productivisme des années 60 et la vision utopique d’un retour à la terre, il y a une voie sensée : celle d’une agriculture diversifiée, résiliente, ancrée dans le concret et orientée vers le futur. Chaque méthode de culture, qu’elle soit bio, raisonnée, de conservation ou intensive maîtrisée, a son rôle à jouer, si elle contribue à un but commun : alimenter la population tout en sauvegardant les ressources.
Entre notre redoutable steak frites et le chant des oiseaux, les Français ont exprimé leur préférence… et il s’agit rarement d’une diète austère.
L’agriculture en France n’est pas dépassée, elle est en constante évolution. Elle fait preuve d’innovation. Elle s’ajuste. Elle mérite d’être entendue, respectée et soutenue, et non pas punie publiquement au nom d’un idéal inaccessible. Car derrière chaque plat, il y a un individu, une expertise, un terroir et une passion. Oui, soutenons une agriculture française diverse, fière, astucieuse et durable. À ceux qui, au quotidien, font bien plus que cultiver nos champs : ils cultivent notre futur.
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