Les acteurs français du CBD se trouvent depuis plusieurs années au centre d’une bataille politique et judiciaire. Le gouvernement, pourtant si prompt à vanter les bienfaits de la modernisation des politiques publiques et à « railler » certains conservatismes, montre ici une vision passéiste, qui nuit aux agriculteurs, industriels et commerçants d’une filière en plein essor.
Alors qu’en novembre 2020 la Cour de justice de l’Union européenne avait rappelé que la molécule de CBD ne présentait pas d’effet psychotrope ou nocif pour la santé, ouvrant la voie à sa commercialisation, le gouvernement français a fait savoir qu’il ne l’entendait pas de cette oreille. Un arrêté ministériel, publié le 31 décembre 2021, a en effet interdit la vente de plants de chanvre, restreint l’autorisation de cultiver des fleurs et feuilles et interdit la vente aux consommateurs.
Motif invoqué ? Le CBD serait un stupéfiant.
La vente des fleurs et feuilles de chanvre représente de 50 à 70 % du chiffre d’affaires des détaillants, près de 2000 magasins spécialisés en vendent. On comprend aisément la colère des professionnels.
Mais, depuis quelques jours, ils retrouvent le sourire. À la suite du Conseil constitutionnel, qui a précisé le 7 janvier la définition d’une substance stupéfiante, excluant de fait les produits à base de CBD, le Conseil d’État a suspendu le 24 janvier l’arrêté ministériel, autorisant à nouveau la commercialisation de certaines fleurs et feuilles de cannabis. Il s’agit cependant d’une suspension provisoire, en attendant que le juge examine la légalité de l’arrêté. Et du côté des agriculteurs ?
Le marché du chanvre est un marché d’avenir, en plein essor, au sein duquel la France occupe déjà un rôle clé, se positionnant comme le 1er producteur européen, avec près de 18 000 hectares cultivés en 2020 ! Transformée, la plante est utilisée dans l’agroalimentaire, le textile, la construction et dans le secteur du bien-être, sous forme de CBD.
Facile à cultiver, la plante est peu gourmande en eau et en engrais, constitue un bon couvert végétal pour les sols et rapporterait dix fois plus que la céréale, si l’on en croit Jean-Baptise Moreau, député de la Creuse et ancien agriculteur. Dans ce département où nombre d’éleveurs souffrent de la baisse de la consommation de viande, mais aussi de la fermeture d’usines, élus, agriculteurs et industriels parient donc sur l’intérêt de cette filière et les circuits courts dans lesquels elle peut s’inscrire.
À raison : car les acteurs du chanvre évoquent la possibilité d’une nouvelle filière d’excellence française. N’entendant pas se laisser déborder par la compétitivité des voisins européens, et pariant sur le dynamisme du secteur, ils demandent que les réglementations applicables soient clarifiées, afin que la filière du chanvre poursuive son développement en France dans un cadre sécurisé. Espérons que le gouvernement saura dépasser ses angoisses et faire montre de souplesse. Un peu de CBD pourrait sans doute l’y aider !