L’agriculture a parfois mauvaise presse et les enjeux liés au changement climatique peuvent y contribuer. Certes le secteur agricole pollue, mais on oublie bien souvent qu’il est, contrairement aux autres secteurs, un formidable puits à carbone, venant compenser en partie les émissions émises. Il offre en outre d’importantes possibilités de développement des énergies renouvelables.
Si la relation de l’agriculture et du climat est foncièrement ambivalente, les agricultrices et agriculteurs sont des maillons essentiels, voire centraux, pour limiter le réchauffement climatique et augmenter la captation carbone, tout en assurant la sécurité alimentaire.
En France, l’agriculture est la deuxième contributrice aux émissions de gaz à effet de serre (GES), derrière le secteur des transports et à égalité avec le secteur résidentiel. En revanche, et contrairement aux autres secteurs, ses émissions ne sont pas tant liées à la consommation d’énergie qu’à des processus biologiques permettant d’obtenir les produits animaux et végétaux. Les émissions de GES du secteur agricole sont en effet composées à 45 % de méthane, essentiellement issu de l’élevage, et à 42 % de protoxyde d’azote, lié au processus de fertilisation des sols.
Le secteur agricole a ainsi émis 85 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2019, soit 19 % du total. Ce chiffre double pour atteindre près de 170 millions de tonnes si l’on considère l’ensemble du système alimentaire, c’est-à-dire la production et l’acheminement des intrants, la distribution des récoltes, le déplacement des consommateurs et la conservation des aliments.
Mais, si le secteur agricole est un producteur conséquent de GES, il est aussi et avant tout le premier secteur touché par les changements climatiques. Les phénomènes météorologiques extrêmes (épisodes de sécheresse, vagues de chaleur, inondations, vents violents, grêle, etc.), ainsi que la prolifération de parasites et maladies, affectent les cultures, leur rendement, la qualité des produits récoltés et, de manière générale l’ensemble des écosystèmes qui les nourrissent, notamment l’eau et les sols.
L’intérêt à agir est donc évident.
La stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe des objectifs ambitieux au secteur agricole. Il doit atteindre la neutralité carbone en 2050 (c’est-à-dire l’équilibre des émissions et des absorptions anthropiques) et la division par deux des émissions de GES entre 1990 et 2050.
Entre 1990 et 2019, celles-ci ont diminué de 8 %, soit une baisse très faible, y compris comparativement aux autres secteurs. L’effort restant à faire est donc conséquent. Cependant, les changements à opérer sont identifiés et déjà mis en place dans un certain nombre d’exploitation au sein desquelles ils produisent des résultats encourageants. L’enjeu est donc de les démultiplier. Et de les financer !
Dans de nombreuses exploitations, le remplacement des intrants chimiques par des biosolutions ainsi que le recours accru aux légumineuses permettent de réduire efficacement l’émission de GES tout en garantissant le maintien des rendements. En témoignent la dynamique du réseau des 3 000 fermes Delphy, engagées dans la baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires, ou encore la multiplication des exploitations engagées en agriculture biologique, lesquelles représentent aujourd’hui 9 % de la surface agricole utile (contre 0,4 % en 1995). De même, le développement de l’utilisation des technologies de l’agriculture de précision peut également être un appui pour maîtriser le recours aux produits phytosanitaires.
Du côté de la captation de carbone, plusieurs mesures sont nécessaires, telles que le développement de l’agroforesterie intra-parcellaire, la préservation et l’extension des prairies permanentes, la plantation de haies, ou encore l’enherbement en vignoble. Des leviers techniques et financiers sont mobilisables dans le cadre de la PAC ou encore du label bas carbone mis en place par le gouvernement. Vingt-deux projets agricoles ont ainsi été labellisés à ce jour. Les efforts sont encore timides, mais les financements sont amenés à se développer dans les prochaines années.
Enfin, ne l’oublions pas, le secteur agricole est un puissant levier pour la production d’énergies renouvelables. À ce jour, 11 000 exploitations produisent de l’électricité par le biais de panneaux photovoltaïques, 96 % des biocarburants et de 26 % du biogaz sont issus de la biomasse agricole, et 83 % de l’électricité issue de l’énergie du vent viennent des éoliennes implantées sur des terrains agricoles.
L’effort à produire dans les prochaines années est donc aussi conséquent que l’urgence à le faire. Cependant, et plus encore que dans les autres secteurs économiques, les ressources dont jouit le secteur agricole pour ce faire sont avérées, et les bénéfices qu’il en tirera, évidents.
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