Nous nous interrogions récemment sur l’agriculture en tant que fer de lance de la start-up nation, tant il est clair pour nous qu’elle se distingue par ses capacités d’adaptation et d’invention. Il semble que nous ne sommes pas les seuls ! C’est aussi en partie la thèse que défend la philosophe Gabrielle Halpern, dans une étude réalisée pour le campus agricole Hectar. Si nous avions fait part de nos craintes quant à cette école privée un peu trop technophile à notre goût, il faut cependant reconnaître que les propos de la philosophe interpellent.
En effet, selon elle, on assiste depuis quelques années à l’intensification d’un mouvement d’hybridation. Rien de nouveau sous le soleil, à la #PositiveProduction, on vous parle régulièrement de la capacité des agriculteurs à concilier efficacement savoirs « anciens » et innovations : digitalisation, utilisation des drones agricoles, emploi des biosolutions, développement de porte-outils révolutionnaires, mais aussi, rotation des cultures, introduction des légumineuses, préservation des prairies, etc. Chaque pratique est un savant mélange de continuité et d’innovation. Ainsi le biocontrôle combine des techniques agronomiques averties et des produits respectueux de l’environnement.
Mais la philosophe va plus loin. Pour elle, l’agriculture doit réussir à hybrider différentes innovations (sociales, technologiques, servicielles, etc.) et tirer parti du décloisonnement des secteurs d’activité. Les exemples sont nombreux : une multitude d’exploitations pratiquent désormais la vente directe, d’autres se rapprochent de la restauration ou des cantines dans une dynamique de circuits courts, de l’énergie « verte » est produite grâce à des installations présentes sur les terrains agricoles, des tiers lieux intègrent des agriculteurs et entrepreneurs ruraux, certaines fermes se prêtent même à accueillir des activités telles que des cours de yoga !
Gabrielle Halpern voit dans ce mouvement le « salut » de la filière : les néo-agriculteurs la « modernisent » en y apportant des compétences communicationnelles et managériales, les agriculteurs devenus entrepreneurs y trouvent un moyen de sécuriser et diversifier leurs revenus, l’agriculture se réinvente en s’ouvrant à d’autres activités et dynamiques locales.
Si, à la #PositiveProduction, nous pouvons partager son enthousiasme et regarder avec intérêt ces initiatives, nous sommes en revanche plus réservés quant à sa vision très « entrepreneuriale » et parfois un peu hors sol de l’avenir de la filière agricole. Certes, le renouvellement et la diversification de la profession peuvent être positifs. Mais nous ne croyons cependant pas aux concepts et contenus facilement « instagramables » chers à notre époque.
La transition agricole a surtout besoin de savoirs productifs efficaces et écologiquement responsables. Les agriculteurs, eux, ont besoin de connaître des conditions de travail facilitées.